Nous nous endettons pour payer notre train de vie

Christian Blanc Député apparenté UDF des Yvelines
dans «La croissance ou le chaos»
Propos recueillis par Saïd Mahrane l'Express 22 fév 2006

Vous écrivez que, si la France ne rompt pas avec son modèle économique et social, elle va au-devant de nouvelles violences urbaines, voire d'une « crise argentine ». N'est-ce pas alarmiste ?

La France est depuis des années en combustion lente, et de mois en mois nous en voyons les premières flammes. Ce qui est au coeur de la sérénité d'un pays, c'est la stabilité et l'équilibre économique. Or nous établissons notre budget sur une hypothèse de croissance de 2,5 % alors que celle-ci atteint 1,5 % depuis 2001. Aussi, nous nous endettons pour payer notre train de vie, et ce sont les catégories sociales les plus fragiles qui en paient les conséquences. Je donne cinq ans à la France pour juguler cette hémorragie, ou le spectre de l'Argentine se profilera irrémédiablement.

« La croissance ne se décrète pas », se défendent tous les responsables politiques depuis trente ans...

C'est inouï ! Ce sont les mêmes qui disaient qu'il fallait attendre la croissance américaine pour tirer la nôtre vers le haut. Seulement voilà, les Américains ont un taux de croissance de 4 à 5 % depuis des années... Je suis extrêmement sévère à l'égard de ces responsables, de droite comme de gauche, qui n'ont jamais été capables de comprendre la mutation économique dont la France avait besoin.

Quelle est cette mutation ?

Elle s'appuie sur ce que j'appelle l'économie de l'innovation et elle s'inspire des régions européennes qui font 3 % de croissance : Suède, Catalogne, Bavière... Partout, la croissance repose sur la capacité à produire des idées nouvelles et à les diffuser, d'où la nécessité de réhabiliter nos universités et de faire confiance aux acteurs locaux, en prônant une régionalisation radicale. C'est à ce prix que la France cessera d'être, par son hypercentralisation, le dernier pays soviétique du monde occidental.

Si les Français élisent un président UMP, seriez-vous prêt à rejoindre son gouvernement ?
Pour l'heure, je ne me pose pas cette question. Même si Nicolas Sarkozy a souligné l'importance de mes propositions. Mais la vraie rupture n'est pas seulement la croissance c'est aussi l'Etat, la démocratie, la solidarité... Ce qui est sûr, c'est qu'un pays qui ne prend pas de risques et qui se complaît dans l'immobilisme est un pays qui se meurt...